R I F T
Rift Avocats
Le délit prévu à l'article 1743, 1° du Code général des impôts est souvent complémentaire du délit de fraude fiscale. Surnommé « délit comptable », il incrimine pourtant un large spectre d'irrégularités juridiques et comptables. Les poursuites de ce délit concernent généralement les chefs d'entreprise, mais peuvent également viser l'expert-comptable ou le conseil du chef d'entreprise sur le terrain de la complicité.
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Article mis à jour le 4 février 2025
Caroline Martin-Forissier, avocate fiscaliste au barreau de Paris
Associée du cabinet Rift Avocats
Les avocats du Cabinet RIFT reviennent dans cet article sur le délit d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives (I), sa répression (II) et sa prescription (III).
Aux termes du 1° de l’article 1743 du Code général des impôts (CGI), est puni des peines prévues pour la fraude fiscale à l’article 1741 dudit code :
« 1° Quiconque a sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures ou a passé ou fait passer des écritures inexactes ou fictives au livre-journal prévu par les articles L. 123-12 à L. 123-14 du code de commerce, ou dans les documents qui en tiennent lieu.
La présente disposition ne met pas obstacle à l'application des peines de droit commun. (...) ».
Il convient d’identifier les éléments constitutifs du délit d’omission d'écritures ou de passation d’écritures inexactes ou fictives (A), les personnes pouvant être considérées comme auteur de ce délit (B) ainsi que les modalités particulières de poursuite (C).
Cette infraction suppose la réunion d’éléments matériel (1) et intentionnel (2).
1. L’élément matériel du délit d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives
Ce délit suppose l’existence d’une obligation légale de tenir des livres comptables ou tout registre ou répertoire légal (a), et la présence d’irrégularités dans la tenue de ces livres (b).
a. L'existence d'une obligation de tenir des livres comptables, tout registre ou répertoire légal
Ce délit concerne non seulement les commerçants, mais également tout professionnel à qui une disposition légale imposerait la tenue de certains documents comptables, tels que les professionnels libéraux. Ce délit suppose en effet l’existence d’une obligation, en application de la loi française, de tenir les livres et registres dans lesquels sont reprochées des irrégularités.
À cet égard, il se déduit de l’expression « ou dans les documents qui en tiennent lieu » que l’infraction prévue à l’article 1743, 1° du CGI ne concerne pas seulement les irrégularités comptables mais également celles que présenterait tout registre ou répertoire obligatoire (Crim. 27 février 1978, n° 77-91.750, Publié au bulletin), tels que les registres de mouvement de titres, registre des procès-verbaux d’assemblée générale etc.
b. L'existence d’une irrégularité dans la tenue de ces livres, registres ou répertoires légaux
Comme cela ressort clairement du texte de l’article 1743, 1° du CGI, l’irrégularité peut consister :
Soit en une omission de passer ou de faire passer des écritures : cette omission peut tenir à l'absence de livre, registre ou répertoire dont la tenue est obligatoire (livre-journal, grand livre, livre de paie, registre d’inventaire…), mais également à l’existence de recettes non comptabilisées dans le grand-livre et le livre-journal (Crim. 23 mars 2016, n° 15-80.767). Attention, l’omission peut également être matérialisée en cas de passation des écritures sur un support ne permettant pas à l’administration fiscale d’exercer son contrôle (Crim. 16 févr. 2013, n° 12-81.496).
Soit en la passation d'écritures inexactes ou fictives : il peut s’agir de la comptabilisation de factures injustifiées (Crim. du 20 septembre 2000, n° 99-81.658) ou de fausses factures (Crim. 2 juin 1999, n° 98-80.307), de la présence d’erreurs formelles lors de la saisie comptable (surévaluation de charges ou mauvaise évaluation des postes du bilan), du recours injustifié à un amortissement dégressif plutôt que linéaire ou inversement, etc.
2. L’élément moral du délit d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives
De manière générale, il n’y a pas de délit sans intention de le commettre. En matière de droit pénal fiscal et, plus généralement, en droit pénal des affaires, la caractérisation de l'intention de commettre l'infraction est facilitée s’agissant du chef d’entreprise, des dirigeants de droit ou de fait, dont l’intention peut généralement se déduire :
Soit du degré d'élaboration des procédés mis en œuvre : c’est le cas notamment lorsque le dirigeant multiplie les manœuvres visant à dissimuler les irrégularités comptables ou recourt à des techniques élaborées dans le but de donner à la comptabilité une apparence de sincérité.
Soit de la connaissance qu’ils doivent avoir des règles qu’ils sont tenus d’observer : un dirigeant étant supposé veiller personnellement et de manière continue au respect, par sa société, de ses obligations comptables et fiscales, la jurisprudence se montre très souple sur la caractérisation de l'élément moral le concernant en présence d’irrégularités graves ou récurrentes (par exemple, v. Crim. 7 nov. 2012, n° 11-87.930 ; Crim. 8 juillet 2015, n° 14-82.047).
En principe, l’auteur sera le professionnel tenu par l’obligation légale méconnue. Dans l’hypothèse courante où le professionnel est une personne morale, l’auteur de l’infraction sera le dirigeant de droit ou de fait de la personne morale tenue par cette obligation (Crim. 24 mai 2000, n° 99-82.910).
En principe, les salariés et les conseils du professionnel ou de la personne morale ne seront poursuivis que sur le terrain de la complicité d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives, les articles 121-6 et 121-7 du Code pénal ayant une portée générale et l’article 1742 du CGI ne se référant qu’aux délits prévus à l’article 1741 du même code (Crim. 24 nov. 1980, n° 80-90.469, Publié au bulletin).
L’engagement de poursuites pénales en cas de délit d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives est en principe subordonné à l’accord d’une Commission ad hoc, la Commission des infractions fiscales (la « CIF », surnommée « verrou de Bercy » ). Sans avis conforme de la cette commission, la plainte de l’administration n’est pas recevable (Livre des procédures fiscales, art. L. 228, II).
Il est rappelé que la loi « Fraude » n° 2018-898 du 23 octobre 2018 est venue affaiblir ce dispositif en prévoyant une dénonciation automatique au parquet des fraudes les plus importantes (LPF, art. L. 228, I).
Sur les modalités d'engagement des poursuites pénales, consultez notre article >>> Fraude fiscale et procédure pénale ❘ Rift Avocats Paris
Hors circonstance aggravante, le délit d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives est puni des mêmes peines que le délit de fraude fiscale, à savoir 5 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende, amende dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.
Cela dit, les peines peuvent être portées à 7 ans d'emprisonnement et à 3 000 000 € d’amende, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, lorsque les faits ont été commis en bande organisée, ou lorsque les faits ont été réalisés ou facilités au moyen :
De comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ;
De l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ;
De l'usage d'une fausse identité, de faux documents ou de toute autre falsification ;
D'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ;
D'un acte fictif ou artificiel ou de l'interposition d'une entité fictive ou artificielle.
Lorsqu’une des aggravations susmentionnées est retenue, le prononcé des peines complémentaires d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, mentionnées à l'article 131-26 du Code pénal, est obligatoire, sauf décision spécialement motivée prise par les juges en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
Le name and shame est également de rigueur puisque, sauf décision spécialement motivée, la juridiction ordonne l'affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci aux frais de la personne condamnée.
Les peines encourues en cas de complicité de cette infraction sont identiques.
En principe, lorsqu’une plainte préalable de l’administration est requise pour l’exercice de l’action publique, les dispositions de l’article L. 230, premier alinéa, du Livre des procédures fiscales prévoient que l’administration a jusqu’à la fin de la sixième année qui suit celle de l’infraction pour déposer plainte.
Ce délai de prescription est suspendu pendant une durée maximum de six mois entre la date de saisine de la Commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette commission émet son avis (LPF, art. L. 230, al. 3).
S’agissant du point de départ du délai de prescription, celui-ci est fixé différemment selon le type de d’irrégularités :
S’il s’agit d’une passation d’écriture, le point de départ du délai de prescription court à compter du jour de l’inscription de l’écriture mensongère ;
S’il s’agit d’une omission d’écriture, le point de départ du délai de prescription court à compter du jour de l’omission de l’écriture, i.e. la date à laquelle aurait dû être passée l’écriture omise.
Notez toutefois que l’administration fiscale indique dans sa doctrine qu’en cas de pluralité ou d’enchaînement d’écritures, le délai de prescription court à compter de la passation de la dernière écriture irrégulière (BOI-CF-INF-40-10-20, n° 62).
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Maître Caroline MARTIN-FORISSIER
Avocate associée du cabinet Rift Avocats Paris
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Le droit pénal fiscal se trouve au croisement de deux matières techniques que sont le droit fiscal et le droit pénal. L'avocat en droit pénal fiscal doit donc être doté d'une double expertise en droit fiscal et en droit pénal.
Forts d'une solide expérience en droit pénal fiscal, Maître Caroline MARTIN-FORISSIER et les avocats du cabinet RIFT vous assistent et vous défendent dans des contentieux fiscaux à forts enjeux financiers et d'image, lorsque vous faites l'objet d'une enquête ou de poursuites pénales pour des infractions fiscales.
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